Il y a dix-neuf jours je me retrouvai sur cette place grise pour ce jour haï qu'était la moisson. Nous étions les centaines d'enfants du district huit, alignés par groupe d'âge devant le tableau géant du capitole. D'un coup d’œil je cherchai mon frère au milieu de la foule et dressai mon bras droit à sa vue. Il eut un sourire pâle et se faufila jusqu'à derrière moi. Je glissai ma main dans mon dos afin d'attraper la sienne et de la serrer. Je ne me retournai pas. Je ne voulais pas voir de près, le visage apeuré de mon frère.
Il n'était d'ailleurs pas réellement mon frère mais, le jour où j'ai perdu mon père, il était venu me chercher et me tirer du lieu d'où je pleurais. Il m'avait alors proposé:
"tu veux que je partage le mien avec toi?"
Quand deux enfants ont un père en commun, ils sont frères n'est-ce pas? Quoiqu'il en soit j'adorais John Livingston. Il était mon exemple, mon modèle dans chacun de mes actes. Il n'avait que deux ans de plus que moi mais était tellement plus fort, cela je ne me l'expliquais pas. Enfin si j'en connaissais la raison: le jour où les pacificateurs avaient emmené sa mère sans qu'elle ne revienne jamais, il a cessé de pleurer. Ce que je ne m'expliquais pas, c'est comment il avait fait.
La femme annonçant les tributs vint monter sur l'estrade. Apeuré, je tentai de me serrer un peu plus contre lui.
Je fixai les chiens du capitole sans les voir jusqu'au moment où l'on tira le nom du tribu féminin. Je ne le connaissais pas vraiment, elle s’appelait Hollie Blue. Le tribu masculin fut annoncé, j'ai réagit tout de suite. Je m'étais passé cette scène tant de fois dans ma tête, que j'ai réagit tout de suite. Je me suis retourné vivement et j'ai serré John dans mes bras.
"Je...
- Tu serais égoïste de mourir à ma place. Cela me ferait trop souffrir. Je t'interdit de te porter volontaire"m'articula-t-il d'une voix blême. Je n'ai pas eut le courage de répondre, je l'ai simplement serré plus fort et il a serré mes épaules de ses mains jusqu'à ce que je le lâche. Je suis allé le voir après, dans la pièce où nous disposons de trois minutes, mais nous n'avons pas parlé. Je ne lui ai pas dit Adieu.
Les 172eme Hunger Games ont commencéJe me trouvai de nouveau sur la place, immobile et démuni. Je ne cessai de frissonner, on était pourtant pas en hiver. Dix-Neuf jours se sont écoulés sans que je ne vive vraiment: J'avais cessé de manger, je buvais à peine, je me taisais souvent. J'allais simplement cueillir le coton dans les champs, avec les gestes lents et décalés qui m'étaient si familiers.
N'ayant pas la télévision dans ma maison, je devais me rendre sur la place pour assister à la projection des jeux. Les jeux, rien que ce nom me crispe de rage. Je ne pouvais pas ne pas observer les Hunger Games, pas tant que John serait dedans. Planté devant la projection des jeux, je devais avoir un air de fantôme: un air mort, immobile et froid attendant un miracle.
Sur l'écran immense nous voyons Ariel, le carrière du un, escaladant une branche épaisse de marronnier. Il s'y tient accroupit désormais. Étrangement, la caméra cesse de le suivre et montre Adeline, carrière du deux, poursuivre John. Elle le poursuit mais elle ne l'aura pas!! Elle ne peut pas l'avoir. Mes doigts agrippèrent ma chemise pour la tordre, je sentais mes lèvres se retrousser, je commençais à tordre tout mon corps de rage. Cette fille ne l'aura pas. Il courre bien trop vite.
J'ai compris trop tard. Comme à mon habitude je viens à peine de comprendre. John passe sous l'arbre précédemment filmé et Ariel se laisse tomber, il lui attrapa les cheveux lui planta sa lame dans la gorge et l'ouvrit jusqu'au bas du ventre. Ma bouche était ouverte et mimait des hurlements. La haine est muette, je ne poussai aucun son. Chaque seconde de cette vision me brûlait les yeux, tous les organes de mon corps étaient la cible d'une douleur fulgurante, qui me déchirait à en hurler mais je ne criai pas. Mon regard, qui avait cessé de fixer l'image pour se diriger au sol se releva lentement, et un effort infini me fit partir en courant.
Je suis arrivé jusqu'à la cabane où les outils pour labourer les champs de cotons étaient entreposés. J'y suis entré puis sorti en trombe, la pioche pour déraciner les cotonniers morts dans la main. Je savais ce que je devais faire, pour lui:
Il m'avait toujours dis, pour me faire rire, car les rêves impossibles sont toujours risibles:
"Liberté, Liberté maintenant". Au fond il était sans doute sérieux en disant ces mots et je ne croyais plus qu'en eux à cet instant,
"Liberté maintenant!!".
La colère faisait dans tous mes sens couler à long trait, une haine à laquelle jamais je n'avais gouté: Une brûlure ignoble qui m'intimait de tout détruire, tout massacrer! Je me dépêchai d'arriver jusqu'au grillage qui n'était jamais électrifiée et y assena un coup de pioche de toutes mes forces réunies. Le second redoubla de puissance et le troisième défonça une première partie de la grille et me fit jubiler. De grand bruits de pas derrière moi me firent hurler:
"N APPROCHEZ PAS JE VOUS BLESSERAI!"Et non! Même eux je ne veux pas les blesser, les pacificateurs, je n'ai jamais désirer les blesser, je m'en fou! Je ne veux faire de mal à personne! Je ne veux rien! Rien que la Liberté! Liberté maintenant! Pour John! Il me faut défoncer ce putain de grillage, rien que massacrer cette grille noire! Ce cimetière à elle seule. Mes mots ont surprit les soldats un instant, et ils ont prit cette seconde pour se regarder, hésitants. Cela m'a suffit pour me glisser entre les carreaux d'acier et courir, dévaler la colline.
LIBERTE MAINTENANT!!!! MAINTENAAAAAAAAAAAAAHH Puis-je enfin hurler, comme l'écho de ma pensée fixe. Toute mon horreur se déversa dans mes cris que je pouvais enfin pousser. Dans ma course, je fixai l'horizon les yeux écarquillés, je voulais qu'ils me laissent le temps d'arriver au bout de la colline, pour croire un instant à la liberté. Le paysage vert bringuebalait devant mes yeux au rythme de mes pas et semblait se rapprocher infiniment lentement. J'ai entendu des bruits derrière moi. Pourvu qu'ils me laissent le temps. J'ai senti un impact dans mon dos. Puis ce fut le noir.
J'avais perdu ma chemise lorsqu'on me réveilla. Mes poignets étaient liés entre eux et suspendus a un bois dur et tiède.
"Tu connais les lois? Cela vaut combien de coups ce que tu as fais?"Me questionna le pacificateur. Ma vue troublée ne le reconnut pas et ne reconnut personne à ses côtés. Quelques secondes furent nécessaire à ma mémoire pour me rappeler ma faute, d'une voix sourde j'ai articulé:
"La perte d'un tribut m'a fait perdre la raison, la douleur m'a incité a frapper quelque-chose."Je balançai ma tête en arrière pour fixer le ciel qui me semblait si loin et flou: Je cherchai mes mots, je ne voulais pas être tué.
"Mes actes auraient pu être pris pour de la rébellion, mais ce n'était pas ça, j'aimais juste le tribu masculin du huit. Je dirais cinq coup pour avoir abimé la barrière, que je réparerai car je sais travailler le fer, et dix pour l'avoir traversée.
" Oui réparer, renoncer à tout, s'humilier soi-même. J'espère que ça le calmera.
-Parfait. Tu connais si bien les règles et tu as désobéis. Des quinze mérités, tu en auras le double."Avant la moisson 2227
La partie de la grille que j'avais défoncée est maintenant le morceau le plus noir et le plus résistant du grillage. C'est que je travail très bien le métal, bien que ce ne soit pas la prédilection de mon district.
Il me semble que, les pacificateurs sont: soit très stupides, soit ils font semblant de ne pas voir. Pour la plupart, je dirais que la seconde solution est la meilleure, excepté pour coup-double, je ne préciserais d'ailleurs pas qui j'appelle ainsi.
J'en suis là de ma réflexion sur leur capacité de déduction car, si j'ai réparé mon trou dans le grillage, j'ai creusé sous la grille à un endroit différent. Et ça, ils ne l'ont pas remarqué et ne me surveillent que lorsque j'approche la partie que j'avais initialement abimée. L'endroit que j'ai choisi pour creuser sous la barrière de barbelées est un lieu perdu, au fin fond des champ. Le trou, dissimulé par le coton est quasiment invisible.
Deux fois par an pour, chacun des anniversaires de mon frère, je cueille une soixantaine de fleurs très colorées, et en installe cinquante-neuf dans le trou. La dernière, je la lance le plus loin possible au delà des barbelées. Je me sens toujours un peu mieux après cela, il me semble que j'honore sa mémoire du mieux possible. De plus, je ne mets jamais moins de soixante fleurs, car j'ai payé trente coup pour la liberté qu'il voulait. De trente, il en mérite le double.
@ by Efelowyn